92. Vilin, réel 4
Dimanche 5 novembre 1972
Parti de l’avenue de Ségur vers 13 heures avec Philippe et Eugénie Kuffler1.
Sommes passés chez P[aulette] déposer la vieille machine à écrire Underwood2 dont P[aulette] a besoin pour taper le rewriting du livre de K. S. Karol3, et un des deux fauteuils (chauffeuses) en métal et peau (Steph Simon4) que je lui donne en échange de tous les coussins qu’elle m’a faits.
Déposé Eugénie à la Cité des Arts.
Fait un tour avec P[hilippe]5 aux Puces de Montreuil. Rien d’intéressant.
Entre 2 heures et demie et 3 heures et quart à peu près, description de la rue Vilin en compagnie de P[hilippe].
Avons mangé un croque-monsieur et bu une bière John Courage dans un pub quelconque de la place de la République.
Ph[ilippe]6 m’a déposé chez P[aulette] d’où j’ai repris le métro qui m’a ramené avenue de Ségur à 16 h 20.
[Début du manuscrit de prise de notes]
23 |
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21 |
Détruit |
20 |
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18 |
« Hôtel de Constantine » |
19 |
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16 |
Magasin muré |
14 |
Boutique immeuble détruit |
17 |
Bar caves |
12 |
Selibter7 |
15 |
Entièrement détruit |
10 |
« Parage de peaux » |
13 |
Détruit |
11 |
Détruit |
9 |
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8 |
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6 |
Coiffure |
Magasin fermé |
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4 |
Boutonniériste |
5 |
Laiterie → plombier |
3 |
Couleurs Confection « Au Bon Accueil » |
2 |
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1 |
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5 |
« Besnard Confection » (fermé définitivement) |
7 |
Détruit |
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Restent : | |
36 |
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30 |
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28 |
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26 |
Fenêtres murées |
24 |
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27 |
Muré |
25 |
Magasin fermé |
22 |
Hôtel café |
21 |
Détruit |
Chat tigré et chat noir au 24 | |
25 |
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Magasin du 27 condamné Après le 27 plus rien |
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30 |
Affiche Johnny |
32, 34 |
Détruits |
36 |
Existe encore |
Après 36 plus rien Tout en haut : « Applications plastiques » Toute la gauche en haut : chantier de démolition Pigeons Chat Carcasse de voiture Rencontre un enfant de dix ans né au 16 Part dans son pays (Israël) dans huit semaines |
Deux pages du manuscrit du texte 92.
1 Var. texte publié : « les Kuffler ». Eugénie Kuffler et Philippe Drogoz : musiciens tous les deux (la première étant en outre la compagne du second et danseuse performeuse de surcroît), ils travaillèrent ensemble à la musique du film Un homme qui dort et faisaient partie du GERM (Groupe d’étude et de réalisation musicale).
2 Perec possédait effectivement une machine à écrire de marque Underwood, série « Four Million », mais comme il l’a précisé dans le texte 51, il a ensuite acquis une machine à écrire électrique. Dans le Hörspiel Konzertstück für Sprecher und Orchester, la seizième séquence s’intitule « Sonate für ältere Schreibmaschine » (« Sonate pour une machine à écrire vieillissante ») et doit s’interpréter uniquement avec une Underwood « Four Million ». Dans La Vie mode d’emploi, ce modèle apparaît au chapitre xxxiii
3 Karol Kewes, dit K. S. Karol, est un journaliste de gauche français d’origine polonaise ; le livre dont Paulette Perec assure la réécriture est sans doute La Deuxième Révolution chinoise, qui paraît en 1973 chez Robert Laffont.
4 Steph Simon : galeriste français spécialisé dans le design, précurseur du mobilier moderniste, qui commercialisa notamment les œuvres de Jean Prouvé, de Charlotte Perriand et d’Isamu Noguchi.
5 Var. texte publié : « avec Kuffler » ; donc « P. » est ici et ensuite mis pour Philippe [Drogoz]. Que Perec désigne son ami musicien avec le patronyme de sa compagne correspond soit à une plaisanterie soit à un moyen d’anonymisation (ou plutôt ici de semi-anonymisation) qui est la règle dans les « réels » publiés de Lieux
6 Var. texte publié : « Kuffler ».
7 Voir le texte 4, n. 5. La graphie de l’initiale de ce nom dans le manuscrit ne permet pas de déterminer si Perec a écrit fautivement « Selibter » (comme dans la presque-totalité des autres « réels » de la rue Vilin et le texte publié de ceux-ci) ou correctement « Gelibter » – voir le fac-similé après ce texte.