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72Assomption
74Gaîté

73. Junot, souvenir 4

janvier 1972

Souvenir de Junot
19 janvier 1972
19 heures
« Bar du Pont-Royal »

1. Tout en haut de l’avenue, on arrive tout près de la place du Tertre. Je n’y suis pas retourné depuis des années. La dernière fois, peut-être, un matin d’été, vers 4, 5 ou 6 heures après une partie acharnée de poker avec les J. L. L. rue Vercingétorix1. Avions-nous, P[aulette] et moi, gagné ou perdu ? en tout cas au maximum 20 francs (nouveaux).

2. Soirée, un jour, quelque chose comme rue Norvins, chez les Saint-Saëns2. Bourgeoisie communiste, lui tapissier, elle, travaillant chez Scherrer (?) à La Salpêtrière3 ; une fille (gauchiste ?) à qui peut-être Marcel B[énabou] a donné des leçons ; amis des Marcenac4 ; chez eux pour un gigantesque couscous avec divers invités dont une veuve d’Éluard et une autre de Vailland (fréquemment revue ici même).

Ennui poli

3. J’ai revu H[enri] Chavranski le 2 de ce mois, la veille d’un nouveau long départ pour l’Amérique du Sud. Je ne l’avais pas vu depuis presque deux ans. L’appartement de l’avenue Junot est loué à un diplomate panaméen ou guatémaltèque. Il a vaguement été question que je m’installe rue Lakanal dans l’appartement laissé inoccupé par les Ch[avranski]5. J’y disposerais d’un téléphone…

4. Autres ou anciens souvenirs de l’avenue Junot (47 ?) :

a)

découverte de la littérature dans la chambre de H[enri] ; pendant plusieurs années, il m’a prêté tout un tas de romans contemporains (Lagrolet par exemple)6 ;

b)

Gabriello lived here ;

c)

Théodore Fraenkel too
1) il soigne une crise d’urticaire consécutive à l’absorption de trop de fraises en me faisant un auto-vaccin
2) sa discothèque
3) ses activités surréalistes (surtout visibles par les tableaux de ses amis aux murs)

d)

Emmanuelle Genevois devenue Joly y passa itou son enfance. Je les ai revus (E[mmanuelle] et J[acques] son né-pou) au cours d’une soirée d’anciens chez Marcel (avec Balibar par exemple) : nous avons tous vieilli… (et Peretz !) pas toujours en bien7 !

 

Plan de l’appartement de l’avenue Junot (souvenir)8

NOTES

1 Les Lederer (les initiales se lisant probablement « Jacques Lederer Lederer » pour signifier qu’il s’agit ici du couple de Mireille et Jacques, qui habitèrent effectivement rue Vercingétorix, et non de la famille Lederer comprise comme Jacques et ses parents, qui habitaient avenue du Maine).

2 Voir le texte 7, n. 13. Dans son agenda de 1968, en date du 29 octobre, Perec note en face de 19 heures : « Saint-Saëns (Bourdet, Éluard, Vailland) » (FGP 26, 62 v°) – Bourdet étant peut-être le résistant et journaliste Claude Bourdet, qui fut notamment directeur de Combat et corédacteur en chef du Nouvel Observateur

3 Jean Scherrer était neurophysiologiste et travaillait effectivement à la Faculté de médecine de La Pitié-Salpêtrière ; Madeleine Saint-Saëns était elle-même chercheuse en biologie dans le même hôpital. Dans le texte 107, Perec est affirmatif sur ce point de leur collaboration.

4 Voir le texte 7, n. 13.

5 Il s’agit ici d’Henri et Simone Chavranski.

6 Jean Lagrolet, écrivain qui fut un temps proche de Marguerite Duras et de Robert Antelme. À propos de cette découverte de la littérature grâce à Henri Chavranski, voir le texte 41, n. 6. Pour les souvenirs b, c et le début du d, voir le texte 7.

7 Balibar : Étienne Balibar, philosophe marxiste, que Perec connut au début des années soixante, dans l’entourage de ses amis normaliens ; Peretz : Henri Peretz.

8 Une nouvelle fois, Perec semble s’inspirer de la pratique de Stendhal dans Vie de Henry Brulard (voir le texte 6, n. 5).

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