116. Mabillon, réel 5
23 XII 74
Mabillon
15 h 15
Ciel incroyablement bleu.
Café « L’Aérium »1.
L’immeuble « Taride »2 est toujours en travaux. Le rez-de-chaussée est recouvert d’une palissade sur laquelle il y a trois grandes affiches : « Entre chien et loup » (crépuscule sur des montagnes romantiques ; au fond la silhouette de Mr Sandeman3) ; Le Retour du grand blond (film d’Yves Robert avec Pierre Richard : sur l’affiche, celui-ci « joue du violon » avec une grande chaussure rouge4) ; L’Homme au pistolet d’or (le dernier James Bond)5. Au-dessus, deux calicots : « Hermann, éditeur des Sciences et des Arts », annonce sa nouvelle adresse (293 rue Lecourbe) et l’immeuble, comprenant grande boutique, sous-sol, bureaux, appartement, en partie libre, est à vendre en entier.
Dans l’immeuble à côté (pour moi à sa droite : plus près de l’Odéon), la boutique « Tac Tac »6 est en « liquidation totale » avant travaux. Plus loin, les Éditions Mazdéennes, l’« Old Navy », une parfumerie, le café « Le Mandarin », un magasin de modes.
À gauche deux tailleurs : « Lip’s » et « Buci ».
Dans la rue de Buci : « Produits d’Auvergne », « Gérard Gil » (tailleur), « Jean-Jacques » (location d’habits), « Il Teatro », « Au Cor de Chasse » (location d’habits), « Le Mabillon »7.
Puis boulevard Saint-Germain : « La Rhumerie », la « Pizza Verdi », « Chicago » (modes), « MGB » (modes). Deux panonceaux de l’Office du Tourisme de Paris (mâts supportant de grandes affiches) : l’un en face du magasin « Buci » : Dessins du musée Atger de Montpellier ; du musée national d’Art moderne ; Dessins néo-classiques des musées de province 8 ; l’autre en face du café (à côté de l’horloge) : Église Saint-Germain, Le Jeu de Daniel, avec Claude Piéplu et l’Ensemble Polyphonique de l’ORTF9.
À côté du premier mât : kiosque à journaux (vu de dos) ; affichettes s’inquiétant de l’exil de la princesse Grace, annonçant les célèbres prédictions de Madame Soleil pour 1975, soulignant que Spécial a donné les trois chevaux dans l’ordre et Week-end trois tiercés sur quatre10.
Beaucoup de piétons.
1 Var. texte publié : « Café “L’Aérium” (sic) ». Il s’agit en fait de « L’Atrium », qui figure bien sous ce nom et comme poste d’observation de Perec dans les textes 2 et 60 (premier et troisième « réels » de Mabillon), mais que Perec appelle fautivement « L’Aquarium » plusieurs fois – tout en rectifiant son erreur dans le texte 90 (quatrième « réel » de Mabillon) – voir la n. 3 de ce dernier texte.
2 Voir le texte 90, n. 4, et le texte 91, n. 2.
3 Il s’agit d’une publicité pour le porto Sandeman (dont « Entre chien et loup » est sans doute le slogan), la personne désignée par Perec comme « Mr Sandeman » étant l’emblème fort reconnaissable de la firme.
4 Comédie sortie en 1974.
5 Film d’espionnage de Guy Hamilton (1974).
6 Var. texte publié : « Tac O Tac » (commerce déjà désigné sous ce nom dans le texte 90).
7 Var. texte publié : « le café “Le Mabillon” ».
8 Dans le texte publié, seule la troisième exposition est mentionnée (qui eut lieu en 1974 au Grand Palais) ; la première eut lieu la même année au musée du Louvre tandis que la deuxième se tenait au musée national d’Art moderne (alors voisin du musée d’Art moderne de la Ville de Paris, l’actuel Palais de Tokyo, il sera transféré au Centre Pompidou en 1977).
9 Il s’agit d’une représentation du drame liturgique en partie chanté du milieu du xiie siècle (composé par des étudiants de l’école épiscopale de Beauvais), considéré par certains comme le premier opéra de l’histoire de la musique. L’acteur Claude Piéplu tenait dans cette représentation un rôle de récitant.
10 Il s’agit de publicités pour des titres de presse populaire reproduisant probablement des unes (la princesse Grace de Monaco ; Madame Soleil : voyante célèbre dans les années soixante-dix et quatre-vingt, notamment pour ses horoscopes radiophoniques ; Spécial, probablement mis pour Spécial dernière, et Week-end sont des journaux consacrés aux courses et paris hippiques).