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130Franklin
132Gaîté

131. Franklin, souvenir 6

juin 1975

Souvenir Franklin

14 juillet
16 heures

Je viens de relire « Lieux d’une fugue ». Ni vraiment mécontent ni vraiment satisfait. J’ai l’intention, et j’en aurai peut-être la possibilité, d’en faire un court-métrage. Dans cette perspective, j’aurai à aller souvent à Franklin-Roosevelt pour me rafraîchir les idées (et aussi faire les choix fondamentaux : verra-t-on « l’enfant » ? entendra-t-on le texte ? a priori non aux deux questions (sauf pour le dernier paragraphe à la troisième et première personnes)1.

Je ne vais pratiquement plus jamais à Franklin-Roosevelt ni sur les Champs-Élysées. À Franklin-Roosevelt même, il y a un parking qui défigure l’endroit tel que je l’ai connu (en tenir compte pour le film ?).

Les Lieux, en général : cela vaut la peine de continuer malgré les retards et même si les événements ont changé les perspectives de départ : par exemple, je revis de nouveau à Jussieu, et – à cause de W – j’ai été amené à m’occuper un peu trop de la rue Vilin (dont tous les souvenirs sont aujourd’hui publiés, et les photos cent fois regardées au point de vouloir en faire un album en soi2) mais cela n’est pas nécessairement un mal : ça accompagne de loin ma vie et mon travail.

Je peux d’ailleurs envisager l’idée d’un treizième lieu, qui serait irrégulier : par exemple l’avenue de Ségur – une ou deux fois dans les années qui viennent – ou Bac-Saint-Germain (sic). Je pourrais les numéroter avec des bis3.

NOTES

1 À propos des « Lieux d’une fugue », voir le texte 10, n. 1. Ce texte autobiographique écrit en 1965 est publié en 1975 et Perec en tirera effectivement un film réalisé par lui-même en 1976 (où l’enfant n’apparaît pas mais où le texte est bel et bien lu – presque intégralement – en voix off).

2 Perec parle sans doute ici des souvenirs de la rue Vilin tels qu’ils sont rapportés dans W ou le souvenir d’enfance, texte où sont également décrites quelques photos de famille (Œ1, p. 693-696 et 697-698 notamment) ; pour les photos, il peut s’agir aussi de celles de la rue Vilin prises par Pierre Getzler pour accompagner le texte 36 de Lieux (et qui avaient été glissées dans l’enveloppe du texte 37 – voir ces deux textes), ou bien de celles prises par Christine Lipinska pour l’édition originale de La Clôture ; dans le numéro de L’Arc qui lui est consacré en 1979, Perec publiera divers textes (dont les « réels » d’Assomption) et composera une « Autobiographie » en images légendées qui est un peu l’album ici évoqué (et par conséquent une autre « retombée » de Lieux) : une photo de la rue Vilin (voir le texte 36, n. 9), trois photos de famille se rapportant à son enfance, un dessin de boxeurs et une photo de tournage du film Les Lieux d’une fugue (n° 76, Georges Perec, p. 77-80).

3 Il faut sans doute comprendre ici (« irrégulier », numéroté avec des « bis ») que ce lieu n’aurait pas été soumis, contrairement aux douze autres, à la contrainte du bi-carré latin, ou peut-être qu’il aurait eu sa propre contrainte ; cette idée qu’un élément d’un système contraint puisse obéir à des lois particulières (un peu comme une comète dans un système solaire) sera réutilisée dans La Vie mode d’emploi appliquée à la contrainte « Couples », qui tout en entrant dans le dispositif contraint global du roman obéit en outre à une contrainte propre d’actualisation – dénotative lorsque les deux termes du couple sont réunis, connotative lorsqu’ils sont disjoints – voir l’explication de Perec dans un entretien avec Réginald Martel intitulé « Pour Georges Perec, le banal est explosif », La Presse (Montréal), 2 juin 1979 ; repris dans ECTRI, p. 434.

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