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86Choiseul
88Contrescarpe

87. Choiseul, souvenir 4

août 1972

Lieux
4 septembre 1972

Vers 18 heures
Avenue de Ségur

Août 72
N° 87
Choiseul
Souvenir

(Mon retard, cette fois-ci, étant dû, non à l’incurie, mais à son contraire : la vague de travail de juillet-août, dont j’espère qu’elle ne sera qu’un début, et la nécessité de déborder sur le premier week-end de septembre pour finir les corrections des Tlooth 1.)

Le passage Choiseul n’est pas un lieu fréquenté de mon histoire personnelle, il ne l’a jamais été et a peu de chances de l’être actuellement ; c’est un endroit que j’aime beaucoup, d’une manière abstraite et lâche – sans relation réelle avec des événements qui y seraient arrivés ; je crois même pouvoir dire que mon attachement pour le passage Choiseul, le choix particulier que j’en ai fait pour mes douze lieux, n’était en fait que symbolique : à travers le passage Choiseul, ce sont les passages en général que j’entends décrire, exalter, etc.

En dépit de ma mémoire souvent extraordinaire pour des choses éminemment futiles – telle que de me souvenir que les favoris italiens du Tour de France 47 – que Robic battit à la dernière étape – s’appelaient Brambilla et Ronconi2 – je ne me souviens jamais du nom des principaux passages parisiens – ou plutôt, même si je les connais (ou crois les connaître : passage des Panoramas, passage du Caire, passage Veyrot-Dodat – ça s’écrit comme ça ? –, passage des Italiens, etc. – déjà etc. !), je ne les localise pas, ce qui revient au même3. Je crois avoir fait l’année dernière – ou au début de cette année ? – une promenade assez extraordinaire en ce sens que je suis allé de passage en passage, ne faisant que traverser les rues et les boulevards – presque de Clichy au Palais-Royal4.

Vague intention de regarder un plan : faire ce genre d’itinéraire en le sachant, un peu comme Harry visite en vélo un à un les quartiers de Paris, principalement ceux qui vont être démolis.

Le propos même de mon livre m’échappe : devenir des lieux, devenir de mon écriture, devenir de mes souvenirs, certes : mais remplis-je exactement chaque mois ces buts que je me suis assigné(s ?) ?

Ce mois-ci, cela ne me semble [pas] avoir une telle importance (!). Je ne crois pas avoir de souvenir réel du passage Choiseul : une fois, ou même plusieurs, je m’y suis promené – ou [y suis] simplement passé – avec Paulette.

Les autres souvenirs me semblent déjà tous liés à la description qu’arbitrairement j’ai décidé d’en faire : l’énervement de Paulette l’apprenant, considérant que ce passage lui appartenait plutôt qu’à moi (ce qui est sans doute vrai au niveau de l’expérience vécue) ; les photos avec Bernard et Zizi (notre film, s’il se fait, devant traverser les douze lieux des Lieux)5 ; la scène avec la pipelette lors de ma dernière et récente tentative de description sur place6, etc.

Quelle idée ai-je, au juste, du passage Choiseul ?

Beaucoup de magasins de chaussures,

Sex shop7

Model shop8

« Cactus Bazar » ou bazaar ou bazar9

Et puis ma foi…

NOTES

1 Voir le texte 85, n. 2.

2 « Je me souviens de Ronconi, de Brambilla et de Jésus Moujica ; et de Zaaf, l’éternel “lanterne rouge” » ; « Je me souviens du café de Jean Robic, avenue du Maine » (JMS, nos 5 et 448, p. 800 et 870). Comme Perec le note dans Espèces d’espaces, son hypermnésie s’exerçait également sur les chambres : « Je garde une mémoire exceptionnelle, je la crois même assez prodigieuse, de tous les lieux où j’ai dormi […] » (EE, p. 41).

3 Passage Véro-Dodat en réalité. Le passage des Italiens se situe à Bagnolet. Le « déjà etc. » de Perec peut se comprendre à l’aide d’un passage de « Notes concernant les objets qui se trouvent sur ma table de travail » (première publication en 1976 dans Les Nouvelles littéraires, n° 2521, 26 février ; repris dans PC, p. 17-23, citation p. 21-22) : « Rien ne semble plus simple que de dresser une liste, en fait c’est beaucoup plus compliqué que ça n’en a l’air : on oublie toujours quelque chose, on est tenté d’écrire etc., mais justement, un inventaire, c’est quand on n’écrit pas etc. » Perec a déjà remarqué dans le texte 65 sa difficulté à mémoriser les noms des passages.

4 Il s’agit peut-être de la promenade décrite dans le texte 80, qui n’a cependant pas exactement cette définition-là (texte écrit en mai 1972, soit seulement quatre mois plus tôt, commençant au Palais-Royal puis sur sa fin allant du métro Anvers au Châtelet, mais passant bien par les passages).

5 Bernard Queysanne ; Zizi : surnom de Bernard Zitzermann qui sera chef opérateur sur les films Un homme qui dort et Les Lieux d’une fugue (voir Cécile de Bary, « Complément. Conversation avec Bernard Zitzermann », CGP 9, p. 127-129) ; le projet d’inclure les douze « lieux » dans le film est apparemment décidé à une époque (1972) où le projet de Lieux est encore mené à peu près régulièrement, et ne se limite donc pas à constituer une forme de remplacement des textes absents de 1973.

6 Voir le texte 86.

7 Perec a noté plusieurs fois la présence d’une boutique appelée « Sexashop » dans le passage Choiseul (voir les textes 56 et 86).

8 Perec n’a décrit aucun commerce de ce nom dans tous les « réels » du passage Choiseul ; « model shop » pouvant cependant traduire approximativement et péjorativement « agence de mannequins », il s’agit peut-être du souvenir de la boutique « Catherine Harley » (plusieurs fois nommée quant à elle) qui était à la fois un magasin de haute-couture et précisément une agence de mannequins (voir le texte 9, n. 8). Sans doute Perec veut-il alors établir par la rime une équivalence critique entre « sex shop » et « model shop ».

9 Voir le texte 9, n. 7.

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